Ce texte devait paraître dans le Livre des commémorations nationales de 2019 dont la publication n’aura finalement pas lieu en raison d’une importante réorganisation des services chargés de ces commémorations.
Alors que débute à Tournus la célébration du Millénaire de la consécration de l’église abbatiale Saint-Philibert, seul millénaire officiellement inscrit au titre des commémorations nationales 2019, et à l’approche des Rencontres du Millénaire de septembre 2019, nous avons souhaité le publier, accompagné de quelques illustrations.
Consécration de l’abbaye Saint-Philibert de Tournus
29 août 1019
« Cette donation a été faite l’année de l’Incarnation de notre Seigneur 1019, à Tournus, le 4 des calendes de septembre, le jour où le monastère a été consacré, en présence des vénérables évêques Geoffroy de Chalon et Josselin de Mâcon […] le roi Robert [le Pieux] régnant en Francie. »
C’est ainsi que Falcon, moine à Tournus, mentionne cette importante cérémonie dans la Chronique qu’il rédige dans le dernier quart du XIe siècle. Ce qu’il avait alors sous les yeux était le résultat de cette ambitieuse reconstruction du monastère qui avait débuté moins d’un siècle plus tôt et que les visiteurs d’aujourd’hui peuvent encore en partie admirer. En effet, après un IXe siècle flamboyant et instable au cours duquel les moines arrivent en Bourgogne avec leurs précieuses reliques et un Xe siècle moins favorable, le début du XIe siècle ouvre une période de renouveau du monastère.
Longtemps protégés par les souverains carolingiens, les moines trouvent alors de nouveaux alliés dans une Bourgogne en pleine recomposition politique. Et Falcon ne s’y trompe pas en évoquant une importante donation réalisée le même jour par Hugues, comte de Chalon et évêque d’Auxerre, un proche du roi Robert le Pieux. Le duché de Bourgogne est alors disputé entre deux partis, celui du roi Robert et celui de Otte-Guillaume, comte de Mâcon. La limite entre les comtés de Mâcon et de Chalon, située entre Tournus et Cluny, est une zone sensible : en recevant cette donation, le monastère de Tournus devient l’un des points d’appui du pouvoir des comtes de Chalon et des rois capétiens.
En 1019, Hugues de Chalon donne aux moines un riche domaine sur les rives de la Saône ainsi que les droits de pêche sur le fleuve, en amont du monastère. En contrepartie, Hugues obtient la bannière (vexillum) du monastère : dans cet échange, les moines se placent volontairement sous la protection de son épée tout en lui assurant en retour celle de leur saint fondateur. Les moines peuvent alors s’appuyer sur les ressources du bourg qui se développe autour de l’ancien castrum antique. C’est aussi à cette période qu’ils stabilisent leur réseau dans le Val de Loire et en Auvergne (sur les pas de leurs pérégrinations face aux Vikings), mais aussi en Bourgogne et en Provence.
La donation arrive à point nommé car un incendie aurait ravagé une partie de l’abbatiale en 1008-1009. On peut donc supposer que des travaux de reconstruction doivent être mis en relation avec la consécration d’août 1019. Reste à savoir quel était alors l’état d’avancement des travaux puisqu’au Moyen Age, la dédicace d’un lieu de culte ne signifie pas forcément que celui-ci est achevé… Or, la structure actuelle de l’abbatiale montre que sa construction ne relève pas d’un programme unique. On s’accorde aujourd’hui à penser que le chantier a débuté par la partie orientale — le chevet et la crypte — étant donné l’importance du culte des reliques à Tournus, culte qui est à l’origine de cet ambitieux et original programme architectural dont la chronologie fait encore débat.
Isabelle Cartron
Professeur Université de Bordeaux Montaigne
Institut Ausonius (UMR 5607)
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